Résumé:
L’importance historique des théosophes dans le domaine éducatif vient du fait qu’ils apparaissent, par leurs réflexions et leurs réalisations pédagogiques, comme une des racines de la nébuleuse du mouvement dit de “l’éducation nouvelle”. Leur présence lors des débuts de l’organisation de l’éducation nouvelle a été explorée par plusieurs travaux pionniers mais reste encore un point aveugle de la recherche. En effet l’influence des théosophes a été pressentie mais très rarement analysée comme la “matrice” de l’organisation internationale de cette nébuleuse de l’éducation nouvelle. Si l’influence des théosophes est reconnue, il nous semble que leur rôle, leur travail opiniâtre qui mène à l’essor de l’éducation nouvelle en particulier par la constitution de la Ligue internationale de l’éducation nouvelle mais aussi par la constitution de pédagogies directement issues de pédagogues théosophes comme Maria Montessori et Rudolf Steiner n’en font pas seulement une des racines mais la composante principale de cette éducation nouvelle.
Mots-clés: Théosophie; éducation; Ligue internationale de l’éducation nouvelle; école; pédagogie.
Abstract:
The historic importance of Theosophy within the realm of education is due to their presence in their reflexions and educational endeavours are at the origins of that nebulous movement called the New Education (éducation nouvelle). Their presence at the beginning of the organization of the New Education has been explored by several pioneering papers, but remains the blind spot in this area. In fact Theosophy’s influence has been felt but rarely analysed as the matrix of the nebulous international organization of new education. If the Theosophists’ influence were to be recognised, we think that their role, their persistent work that brought on not only the rise of new education, more specifically, the constitution of the International League of New Education but was also the making of educators of Theosophy teachings such as María Montessori and Rudolf Steiner who were not only the roots of the new education but also its main components.
Keywords: Theosophy; Education; International League of New Education; School; Pedagogy.
Introduction
A partir du dernier quart du XIXe siècle, l’influence du “mouvement” théosophique en France et en Belgique a dépassé le seul domaine spirituel pour irriguer la sphère artistique avec des figures comme les peintres Piet Mondrian (1872-1944)1 ou Jean Delville (1867-1953)2, mais aussi le domaine éducatif avec les pédagogies de Maria Montessori (1870-1952) et Rudolf Steiner (1861-1925).
L’importance historique des théosophes dans le domaine éducatif vient du fait qu’ils apparaissent, par leurs réflexions et leurs réalisations pédagogiques, comme une des racines de la nébuleuse du mouvement dit de “l’éducation nouvelle”. Leur présence lors des débuts de l’organisation de l’éducation nouvelle a été explorée par plusieurs travaux pionniers3 mais reste encore un point aveugle de la recherche. En effet l’influence des théosophes a été pressentie mais très rarement analysée comme la “matrice” de l’organisation internationale de cette nébuleuse de l’éducation nouvelle.
Mais soyons clair, il ne s’agit aucunement de percevoir un quelconque complot théosophique fantasmé mais bien de comprendre les actions de personnalités, qui sans cacher leur appartenance à la théosophie, sont toutefois membres d’une organisation “secrète”.
Nous voudrions préciser en quoi les théosophes n’ont pas eu seulement un rôle parmi d’autres mais ont été les moteurs essentiels de l’organisation de l’éducation nouvelle au niveau international. Le congrès fondateur de la Ligue internationale de l’éducation nouvelle à Calais en 1921, sans être un congrès théosophe, n’en est pas moins un congrès composé en très grand partie de théosophes qui ont travaillé ensemble et depuis longtemps à cette organisation. Il y a un vrai paradigme théosophe de l’éduction nouvelle.
Les bornes chronologiques choisis, 1911-1921, permettent d’analyser le travail lent et régulier des théosophes pour organiser une “nouvelle” éducation pour une “ère nouvelle».
Cette phase particulière d’une théosophie totalement centrée sur l’éducation est liée à l’influence et l’omniprésence d’Annie Besant (1847-1933). Présidente de la société théosophique à partir de 1907, elle œuvre dès 1910 à la préparation de la venue de “l'instructeur du monde” qu’elle perçoit dans le jeune Jiddu Krisnamurti (1896-1986). Il s’agit pour elle d’une nécessité doctrinale pour préparer cette venue par un renouvellement des méthodes éducatives “pour une ère nouvelle”. Le début des années 1911 illustre une structuration de cette préparation éducative pour la venue de l’instructeur du monde avec la création de l’ordre de l’étoile d’Orient4 puis des institutions qui doivent développer la vision théosophique dans l’éducation (création dès 1913 de la théosophical trust educational et en 1915 des fraternités d’éducation). Ces institutions s’appuient sur la création de nouvelles revues (le bulletin de l’ordre de l’étoile d’orient, le message théosophique et social, le bulletin trimestriel de la table ronde)5.
Notre propos s’arrête à 1921, date de création de la ligue internationale de l’éducation nouvelle au congrès de Calais. Néanmoins, cette “phase éducative” de la théosophie se poursuit jusqu’aux années 1930. La mort d’Annie Besant en 1933 mais surtout quelques années auparavant le refus de Krisnamurti d’être cet instructeur du monde, modifie les préoccupations des théosophes. Le contexte politique de repli des Etats européens et la marche à la guerre des années trente ne pouvaient que rendre caduques les aspirations internationaliste et cosmopolite des théosophes6.
Ainsi, si l’influence des théosophes est reconnue, il nous semble que leur rôle, leur travail opiniâtre qui mène à l’essor de l’éducation nouvelle en particulier par la constitution de la Ligue internationale de l’éducation nouvelle mais aussi par la constitution de pédagogies directement issues de pédagogues théosophes comme Maria Montessori et Rudolf Steiner n’en font pas seulement une des racines mais la composante principale de cette éducation nouvelle.
Théosophie et éducation: une évidence doctrinale?
Comment définir la théosophie?
La Société Théosophique crée en 1875 fut dirigée par Helena Petrovna Blavatsky (1831-1891), Henry Steel Olcott (1832-1907) et William Quan Judge (1851-1896). La Société veut se rattacher historiquement au mouvement de pensée théosophe, “les chercheurs de vérité” présent depuis l’Antiquité, en prônant une sorte de syncrétisme spirituel des religions orientales et occidentales. L’une des caractéristiques de cette Société est la volonté d’étudier les spiritualités internationales, pour tenter de transcender toutes les spiritualités. La théosophie se veut donc une pensée globale. Son influence dans les domaines artistiques et intellectuels de la fin du XIXe siècle est en lien avec l’essor des mouvements ésotériques, messianistes de la fin du siècle et des débuts du XXe siècle7.
La théosophie prônée par la Société théosophique à partir du dernier quart du XIXe siècle se pose donc comme une alternative spirituelle en établissant comme postulats de rechercher “la divinité enfouie en chaque être humain, le fait que l’humanité se trouve sur le chemin de l’évolution, et la nécessité pour les êtres de développer la parcelle divine enfouie en eux par un travail de quelque ordre qu’il soit”8. Par là même, la théosophie entend prôner une éducation soucieuse de l’enfant dans sa singularité mais aussi comme être social. Car l’éducation est pour les membres de la société théosophique une base pour réveiller ce qu’ils nomment “les facultés de l’Esprit”.
En se déclarant l’essence de toutes les religions et de la vérité, la société théosophique se donne trois objectifs9. Premièrement, fonder une fraternité universelle “sans distinction de race, de credo, de sexe ou de couleur”. Deuxièmement, “encourager l’étude comparée de religions, de la philosophie et des sciences”. Troisièmement, “étudier les lois inexpliquées de la nature et les pouvoirs latents dans l’homme”.
Le pédagogue et théosophe Rudolf Steiner écrit au sujet de la théosophie:
Nous sommes en droit d’appeler “Sagesse divine” ou Théosophie cette sagesse qui, dépassant le monde des sens, révèle à l’homme son essence et sa destinée. On peut appeler science spirituelle l’étude des phénomènes spirituels qui se passent dans la vie humaine et dans l’univers.
A partir de 1913, il préfère le terme d’anthroposophie lorsqu’il s’éloignera du mouvement théosophique en partie en raison du rôle messianiste donné par certains théosophes au jeune Krisnamurti.
Que représente l’éducation pour les théosophes
L’éducation est, pour les théosophes, un axe de réflexion majeur. En effet, l’éducation est à la fois un outil pour l’étude des religions et un moyen pour préparer le succès mondial de la théosophie. Mais les théosophes ne sont pas seulement dans la réflexion générale, ils proposent aussi et avant tout des pratiques et des expérimentations éducatives.
En 1892, W. Q. Judge place le prosélytisme théosophique dans une approche de l’action:
Notre devoir essentiel est donc d'être pratique autant que possible dans notre exposé des doctrines. L'étude intellectuelle seule de notre Théosophie n'améliorera pas rapidement le monde. Naturellement, elle produira certains effets, par suite des idées immortelles qu'elle réveille, mais tandis que nous attendrons que ces idées portent leurs fruits parmi les hommes, une révolution pourra éclater et nous emporter. Nous devrions faire ce que Bouddha enseignait à ses disciples: prêcher, pratiquer, promulguer et illustrer nos doctrines. Il touchait, par la parole, le plus humble des hommes, bien qu'il ait eu une doctrine plus profonde pour les esprits plus grands et plus érudits. Tâchons donc d'acquérir l'art d'exposer pratiquement la morale basée sur nos théories et enrichie par la réalité de la Fraternité Universelle10.
Mais les théosophes vont beaucoup plus loin que d’affirmer cette volonté de rendre pratiques leurs discours. Dans un article programmatique, Jean Loiseau (1896-1982), théosophe et fondateur du club des éclaireurs, signale tout d’abord que “s’il est un devoir primordial pour les théosophes: c’est l’action” et que l’éducation doit être la priorité:
Parmi tous les devoirs d’action tendant à rendre l’humanité fraternelle, toute œuvre de bienfaisance désintéressée est utile, c’est un palliatif momentané de maux dont nous souffrons; mais si nous voulons instaurer l’ère nouvelle de la fraternité sociale et de la vie spirituelle pratique, c’est un autre problème à résoudre, problème de très grande envergure qui repose uniquement sur l’éducation11.
Ensuite que c’est la théosophie qui peut donner à la définition de l’éducation toute sa valeur:
Seule la théosophie peut donner à la définition de l’éducation toute sa valeur, en la rendant véritablement intégrale et complète, rigoureusement en accord avec la psychologie profonde de l’être humain, en harmonisant l’enseignement aux efforts en coordonnant les enseignements entre eux vers un but admirablement précis et élevé, véritable aspiration divine et active dans le plan régulier de l’évolution humaine12.
Il poursuit sur la définition même de l’éducation pour un théosophe:
l’ensemble des méthodes pratiques permettant d’agir de la façon la plus efficace sur les facultés et tendances d’un être afin de développer harmonieusement tous ses pouvoirs en éveillant progressivement l’aspiration au Bien, au Beau et au Vrai qui sont les trois aspects de la vie divine en puissance dans chacun de nous13.
Toute cette argumentation illustre une vision globale de l’éducation, de l’enfant et des liens entre les apprentissages et son environnement.
A partir de cette définition, il détaille les trois grands axes de cette définition. Premièrement, la mise en œuvre des méthodes pratiques. Loiseau définit l’éducation comme un art et une science,
autrement dit, l’éducateur doit-il se servir des procédés acquis par l’expérience selon son intuition personnelle, son goût et son jugement; ou au contraire, existe-il une série de lois définies et acquises d’où dérivent des méthodes exactes que l’éducation applique, dans toute une gamme des cas prévus par la science pédagogique?
Définie comme une science pédagogique, Loiseau remarque toutefois que si c’est une science car elle possède des méthodes reconnues, c’est la moins précise des sciences car elle doit prendre en compte de nombreux paramètres (la psychologie des élèves, leurs aptitudes et leurs conditions sociales). Mais l’éducation est aussi un art car écrit-il, les résultats dépendent “toujours de la personnalité de l’éducateur, de son savoir, de sa patience, de sa volonté, de son intuition et surtout de son profond amour pour l’œuvre à laquelle il se consacre”. Le vocabulaire et son argumentation sont fortement intégrés dans ce qu’il nomme les “sciences auxiliaires”: la psychologie, le psychisme, la physiologie, la sociologie. Art et science, l’éducation est donc pour lui un ensemble de méthodes pratiques d’indications “scientifiques ou empiriques, mais toujours expérimentales”.
Deuxièmement, il faut pour Loiseau définir l’action sur “les facultés et tendances d’un être”. Concrètement, il détaille les méthodes tout en signalant que leur application doit être discutée. Il pense ainsi à l’intuition, l’expérience mais aussi à ce qu’il nomme les méthodes plus “classiques”. Dans cette idée de développement de l’épanouissement individuel, Loiseau n’oublie pas des notions liées directement à la théosophie. Ainsi il souligne l’intérêt de chercher les racines profondes des enfants dans l’hérédité, la vie organique, la vie mentale, la vie bouddhique, une éducation des sentiments et les «riches qualités du cœur, dans une inspiration constante vers un noble idéal de fraternité et d’amour”.
Troisièmement, et il s’agit d’un thème majeur pour les théosophes qui devient le thème du congrès fondateur de la Ligue Internationale de l’Education Nouvelle de Calais en 1921: les pouvoirs créatifs de l’enfant. Pour Jean Loiseau il s’agit d’éveiller toutes les facultés. Il reproche à “l’éducation actuelle” d’être trop partielle, morcelée et “égoïste”. Il prône une formation de facultés “harmonieuse, équilibrée” et précise que la théosophie par ses valeurs le permet pour élaborer un “plan d’ensemble destiné à mettre au service de la plus belle œuvre toutes les forces unies d’un homme futur chez qui les pouvoirs intérieurs et extérieurs s’entraident au lieu de se heurter”.
Quatrièmement, l’argumentation de Jean Loiseau qui vient de poser la nécessité d’un “développement harmonieux de facultés et de pouvoirs” est de définir le but de cette éducation. Là encore la théosophie est pour lui la seule philosophie ou religion qui “nous conduit avec certitude, non dans le vague, mais nous montre un chemin bien tracé à parcourir”.
Tous ces éléments où se mêlent religiosité, spiritualité et volonté de créer une nouvelle société, culminent pour lui vers la création d’une ère nouvelle dans la terminologie théosophe:
Le but est ainsi fixé, guider vers ces trois tendances évolutives étroitement associées, toutes les facultés de l’être à former, et nous avons confiance dans la vérité de notre but car la théosophie nous révèle avec certitude: l’avènement de l’ère nouvelle dont l’ossature morale sera la réalisation de notre idéal d’éducation. De grands problèmes sociaux montent à notre horizon philosophique, ils ne seront vraiment résolus que par une éducation toujours plus large, plus aimante, plus active et surtout plus spirituelle.
L’évolution de l’importance de l’éducation entre le texte de Judge de 1892 et celui de Jean Loiseau de 1919 n’est pas seulement du à un essor de leurs réflexions.
L’arrivée d’Annie Besant à la présidence de la Société en 1907 infléchit le mouvement vers une volonté de faire de l’éducation l’outil de construction de cette ère nouvelle. Avec Annie Besant, cette ère nouvelle prend une tournure particulière à partir de 1910 avec son choix de voir dans le jeune Krisnamurti (1895-1986), “l'instructeur du monde”. Cette vision christique, messianique amène Besant et son proche conseiller Charles W. Leadbeater à mobiliser toute la société théosophique pour préparer la venue de ce nouveau messie. Les moyens qu’ils mettent en œuvre que nous analyserons dans une seconde partie, illustrent non plus l’intérêt mais l’objectif général auquel doit tendre la Société pour l’enseignement de “l’instructeur”.
Ce “moment» Krisnamurti est sous-estimé par les recherches actuelles alors que pour les théosophes il s’agit d’une question majeure. Pour développer cette éducation liée à la venue de “l’instructeur” et pour organiser sa venue, la société théosophique crée dès 1911, “l’ordre de l’étoile d’Orient” et une structure pour les jeunes “les chevaliers de la chaine d’or”. Ces structures et leurs revues militent activement pour préparer et organiser la venue de Jiddu Krisnamurti comme instructeur du monde. L’éducation est une part majeure de ce travail d’organisation. Ces structures s’éteignent rapidement à partir de 1929 lorsque Krisnamurti prend ses distances avec la Société de théosophie et refuse le rôle d’instructeur mondial pour poursuivre son propre itinéraire éducatif avec la Krisnamurti Fondation. Sa défection marque aussi la perte de militantisme des théosophes dans le domaine éducatif mais aussi leur influence au cours des années trente. Le mouvement théosophique subit dès le choix de Besant en 1910 de préparer l’arrivée d’un instructeur mondial, une scission majeure avec le départ de Steiner, secrétaire de la fédération allemande de théosophie avec le mouvement anthroposophe qu’il crée et l’amène à élaborer sa pédagogie Waldorf-Steiner.
La notion d’éducation fait donc partie de la doctrine théosophique et devient le “moteur” de leurs préoccupations à partir de 1911. Car l’individu et ici l’enfant pour les théosophes possèdent une “âme” et participent à l’idée d’une évolution de l’espèce humaine, liée d’ailleurs pour eux à une vision de la réincarnation.
L’essor des pédagogies Montessori et Steiner: des modèles pour les théosophes
Les deux pédagogues ont à des degrés différents appartenu à la mouvance théosophique. Rudolf Steiner (1861-1925) fut le secrétaire général influent de la section allemande de la Société théosophique à partir de 1902. Sa scission en 1913 par la création de l’anthroposophie marque une rupture au sein de la Société théosophique. Cette division n’est pas que doctrinale puisque Steiner refuse le chemin choisi par Annie Besant de préparer la venue messianiste de Krisnamurti et de mobiliser tout le mouvement dans cette préparation. Si idéologiquement l’anthroposophie et la théosophie sont très proches, les dirigeants de la Société théosophique ne font aucune mention à la pédagogie Waldorf- Steiner que Steiner commence à développer à partir de 1919.
De son côté, Maria Montessori (1870-1952) fonde en 1907 sa première école la “casa dei bambini” à Rome. En 1908, elle expose les éléments de sa pédagogie “basée sur la connaissance de l’âme humaine, et qui exige l’étude du caractère de chaque enfant”14.
Dès 1910, la pédagogie Montessori semble être pour les théosophes le “modèle pédagogique” à suivre et à diffuser. Les théosophes trouvent dans la pédagogie de Maria Montessori, la solution pédagogique qu’ils cherchent. Ce choix n’est pas dû au hasard, Montessori étant elle-même membre un temps de la Société théosophique et ses liens furent toujours étroits15. En effet, cette dernière rejoint la Theosophical Society en 1899. Elle rencontre Annie Besant la même année au Congrès international des Femmes à Londres.
Toutefois, les liens étroits entre théosophes et montessoriens sont surtout perceptibles après qu’Annie Besant ait pris la direction du mouvement en 1907, et concrètement la création en 1913 de la Trust theosophical education. Besant étant persuadé que les méthodes Montessori sont le résultat de l’introduction des idées théosophistes en éducation en particulier en plaçant l’enfant comme une “continuation de l’acte de création” et entérine une pédagogie spirituelle16.
L’essor de la pédagogie Montessori ne peut se réduire à la volonté des théosophes de diffuser une pédagogie qui leur semble répondre à leurs attentes. Néanmoins, on perçoit bien la symbiose des efforts des théosophes et des montessoriens qui, dans de nombreux pays sont les mêmes membres. Ainsi pour la France et la Belgique, dès 1911 Jeanne Barrère, théosophe, montessorienne et fille de l’ambassadeur de France à Rome donne des conférences sur la pédagogie Montessori17 et surtout fonde à Paris dès octobre 1911 une école théosophique qui pratique la pédagogie Montessori18.
En Angleterre, Béatrice Ensor (1885-1974) devient une fervente défenseuse de cette pédagogie et encourage l’application montessorienne dans les écoles théosophes qui se créent et en particulier à Lechtworth à partir de 1915. Claude Claremont, théosophe et montessorien organise cette liaison entre les deux réseaux19. Il fut enseignant à l’école théosophique de Letchworth et participe au congrès fondateur de Calais de la Ligue internationale de l’éducation nouvelle.
Ces liens étroits entre montessoriens et théosophes en Angleterre ne sont d’ailleurs pas exempts de conflits. Si la Montessori society est dirigée à sa création en 1911 conjointement par Michael Sadler (1861-1943), Lord Lytton et Albert Mansbridge; en 1914, suite à un congrès à East Runton, une scission apparaît entre les montessoriens “orthodoxes” qui créent la London Montessori Study Circle et de l’autre les montessoriens théosophes autour de Michael Sadler qui créent le groupe “New Ideals in Education” où l’on retrouve Beatrice Ensor.
Les moyens d’action des théosophes pour préparer “l’éducation théosophique” dans une ère nouvelle”
Pour préparer l’enseignement de “l’instructeur”, la Société Théosophique met en place deux organismes complémentaires pour parvenir à cet essor des idées théosophiques dans le domaine éducatif. D’une part, en 1913, la Theosophical Educational Trust dont le but est de fonder des écoles. D’autre part, en 1915, la Fraternité de l’éducation est crée pour regrouper “des membres du corps enseignant pénétrés des idées nouvelles en éducation et voulant travailler à adapter l’éducation aux besoins de l’ère nouvelle”. George Arundale (1878-1945)20 est le maître d’œuvre et le président de ces structures.
Les fraternités d’éducation: l’exemple de la Fraternité d’éducation belge
L’objectif de la Fraternité internationale d’éducation est de s’attacher “à la défense des idéaux nouveaux en éducation” et “s’affirme consciente de cette évolution de nos connaissances ainsi que de l’orientation nouvelle de la société”. Présidée par George Arundale depuis Adyar en Inde, Beatrice Ensor en est la secrétaire et le relai pour l’Europe21. La Fraternité entend s’appuyer à la fois sur les progrès dans le domaine de la psychologie et de la pédagogie mais se veut pratique en mettant en œuvre des expériences éducatives. L’objectif de la Fraternité est d’essaimer dans le monde par l’intermédiaire de la constitution de sections nationales. Tout en affirmant être “l’organe d’une école pédagogique déterminée”, la Fraternité prône des notions “self-government, coopération, self-discipline”, enseignements par l’action qui sont “expérimentés” dans des écoles aux Etats-Unis et en Angleterre. La Fraternité soutient clairement la société Montessori mais refuse d’être réduite à la pédagogie Montessori, la Fraternité cherche à s’ouvrir à l’ensemble des rénovateurs éducatifs qui acceptent ses objectifs et les moyens car elle affirme étudier toute nouvelle tentative en éducation et s’efforce d’en saisir le bien fondé et la valeur, guidée par son idéal de liberté, de fraternité, de vérité et par sa philosophie à la fois positive et idéaliste.
Mais l’action “concrète” doit être le fait des sections nationales des fraternités22.
La section belge de la Fraternité de l’éducation est créée en juillet 191923. Elle est dirigée par Jeanne Van den Houten, ancienne institutrice de la ville de Bruxelles mais venant d’Angleterre comme professeur24.
La publication de création de la Fraternité belge nous aide à mieux comprendre les idées développées par les théosophistes dans le domaine éducatif25. Dans ce texte quelques pédagogues sont explicitement nommés: John Dewey, Stanley Hall, Maria Montessori, Alfred Binet; pas les Belges Alexis Sluys ou Ovide Decroly.
La Fraternité se base ensuite sur le contexte de la fin de la grande guerre qui révolutionne l’ensemble de la société:
Le drame qui a révolutionné le monde entier a ébranlé la société jusque dans ses fondements. Les théories sociales ont subi de rudes assauts, coutumes et usages sont discutés. Une société nouvelle est créée, une nouvelle table de valeurs s’élabore. Un esprit nouveau plein de promesses pour l’avenir se fait jour. L’école peut-elle l’ignorer?
Le discours est volontairement idéaliste sur les perspectives possibles en reprenant la terminologie théosophique d’ère nouvelle:
On peut affirmer que cette ère, inaugurée par le triomphe de la liberté sur le despotisme, verra l’épanouissement des tendances démocratiques et l’acheminement vers plus de coopération et de fraternité. Nous en voyons d’heureux augures: le suffrage universel, la journée de huit heures, le vote de la femme, la Société des Nations. Les utopies d’avant la guerre sont les réalités d’aujourd’hui et de demain.
Pour la Fraternité belge, ces transformations doivent être maintenant prises dans le système scolaire:
Saurons-nous tenir compte de ces transformations profondes dans nos écoles? N’inculquerons-nous pas à nos filles et à nos garçons l’esprit de l’âge nouveau? Ne les initierons-nous pas à l’exercice de leurs nouveaux droits et à l’usage fécond d’une plus grande liberté?
Le modèle anglo-saxon apparaît prégnant car au-delà de la référence à John Dewey le grand pédagogue américain posa en principe que l’école doit s’inspirer des nécessités de l’époque et évoluer avec le milieu social.
Le texte entend s’appuyer sur les “hardis novateurs” anglais et américains qui ont crée des écoles basées sur ces idéaux nouveaux: la liberté, la coopération et le self- government.
Le “poids” des réalisations théosophiques est surtout anglais26.
Ce programme des théosophes, qui sera celui de Calais en 1921 est une offensive forte contre l’enseignement en place: Trop longtemps l’éducation a été unilatérale, l’intellect était presque seul considéré et développé alors que c’est l’être complet que l’école devrait éduquer.
La Fraternité prône, comme tout le courant théosophe, l’étude de l’enfant au nom de cette préparation à une ère nouvelle et la venue de “l’instructeur”: L’étude approfondie de l’enfant et de l’adolescent poursuivie durant ces dernières années, a amené petit à petit une conception plus nette de leur nature, de leurs besoins et de la portée de l’éducation.
La Fraternité se pose résolument dans une alternative à l’école traditionnelle, en proposant aussi clairement le modèle du scoutisme: L’école est encore un milieu autocratique. L’esprit moderne qui s’est infusé dans les méthodes et programmes d’enseignement, doit conquérir à présent la constitution, l’édifice scolaire. Les boy-scouts ne nous donnent-ils pas l’exemple d’une discipline.
Jeanne Van den Houten en juillet 1920 au congrès des Fraternités d’éducation à Paris précise que la Fraternité d’éducation belge a inscrit à son programme l’ensemble des réformes préconisées par les théosophes. Et que ce groupe “rencontre beaucoup de sympathie chez les éducateurs éminents du pays”.
La volonté de changement après la Grande guerre est affirmée:
Tous nous sentons que l’ancien régime a failli, la déroute est dans les esprits, on cherche de nouvelles directives, des bases pour une organisation nouvelle, pour une société meilleure et comme toujours, c’est vers l’enfant que l’on se tourne.
Les moyens d’action de la Fraternité sont d’aider et d'encourager ses membres à mettre les idéaux nouveaux en pratique; de constituer une bibliothèque de livres pédagogiques nouveaux à l’usage de ses membres; d’organiser des causeries sur les nouveaux idéaux en éducation; de publier des brochures, des tracts sur des sujets ayant trait à l’éducation; de coopérer autant qu’il est possible avec d’autres associations poursuivant un même idéal.
Ainsi la Fraternité est-elle à la fois une association théosophique mais ouverte vers l’extérieur.
Les idéaux prônés par la Fraternité d’éducation peuvent être précisés.
Premièrement, “le respect de l’individualité de l’enfant” qui doit être développé autour de plusieurs bases: “une atmosphère de liberté et de sympathie”, la self-discipline, le self-government, la coopération, la coéducation.
Deuxièmement, l’éducation proposée doit être “complète et harmonieuse” en comprenant plusieurs facettes: une éducation physique (travaux manuels, jeux, sports, gymnastique rythmique), une éducation aux émotions (par des moyens d’expression s’inspirant de l’art et de la beauté), une éducation intellectuelle (“visant moins à la mémorisation de faits qu’au développement des facultés et des aptitudes et à la formation d’un esprit libre”), le “développement de l’intellectualité supérieure et la fondation de la vie intérieure”, enfin une éducation morale “basée sur la fraternité, le perfectionnement de soi-même et l’orientation des aspirations vers un idéal élevé, éducation s’aidant de l’exemple et de l’action et initiant aux enseignements des grandes religions et des philosophies”.
On perçoit bien que le programme et les idéaux proposés sont ceux de ce qui va devenir l’éducation nouvelle. Les théosophes basent leurs réflexions sur l’étude de l’enfant qui pour eux a un objectif idéologique majeur avec l’arrivée de l’instructeur du monde.
Troisièmement, la fraternité comprend l’importance d’intégrer les éducateurs dans leur dispositif en proposant une “reconnaissance de la dignité et de la noblesse de la mission “de l’éducateur, une “liberté” de son action mais aussi la nécessité d’une coopération plus grande entre les maîtres des différents degrés, les parents, les étudiants et les diverses institutions d’enseignement”.
Lorsque cette structure théosophique précise que son but est la fraternité et que cette fraternité “a pour but de rallier les maîtres de tous les degrés et tous ceux qui sympathisent avec sa devise et ses idéaux et de travailler à la réalisation de ces idéaux”, on comprend leur volonté de structurer et d’organiser des congrès et une organisation internationale sur leurs bases mais ouverte le plus possible pour pouvoir s’affirmer.
Jean Loiseau (1896-1982), le scoutisme “œuvre technique d’éducation” et modèle éducatif?
Le scoutisme présente, dès son origine, pour tous ceux qui s’intéressent à l’éducation un questionnement sur son objet. L’église catholique s’inquiète dans un premier temps de ce scoutisme venu d’Angleterre et ce qu’elle pense être une offensive du protestantisme.
Créé en 1907 par Baden Powell (1857-1941), le scoutisme commence à se développer à partir de 1910-1911. Annie Besant et la société théosophique lui apporte un soutien massif. Les théosophes voient dans cette structure et ses idéaux une formation don’t “le principe est juste, l’intention louable, (…), excellent instrument de régénération”27. Baden Powell nomme même Annie Besant commissaire honoraire pour l’Inde28.
Jean Loiseau, co-fondateur du club des jeunes éclaireurs29 30, définit le scoutisme comme “une œuvre technique d’éducation” car il prône des valeurs proches de celles des théosophes et, pour ce qui nous concerne ici, “la loi des louveteaux”31.
L’intérêt du scoutisme pour Loiseau est d’être en harmonie avec la vie: L’école ne peut donner jusqu’à présent que l’instrument de l’éducation, c’est-à-dire l’instruction, mais non la vie de cette instruction, le moyen de s’en servir, en un mot l’éducation.
Sa vision est de «créer chez l’enfant un idéal puissant de vie et d'action. Là encore Loiseau souligne la nécessité d’une éducation intégrale car l’éducation est la résultante d’une foule de suggestions: celles venant de la famille, de professeurs, de lectures, celles venant de camarades, celles plus fortes encore venant de l’instinct, du karma intérieur, de l’hérédité. A partir de cette vision qui relie des éléments de l’enseignement rationnel mais aussi spirituel de théosophes, il préconise toute une série de travaux pratiques camping, cuisine en plein air, pionnering, constructions improvisées.
Sa conception est celle d’un scoutisme basé sur la fraternité, l’expérience et la construction de soi:
Débrouillards, délurés, pleins d'entrain et de gaité, à l’intelligence vive, au cœur généreux, bons garçons éclaireurs, modernes chevaliers, arrivent à construire eux- mêmes leur caractère, ils suivent des grades pratiques d’initiation; ils sont unis dans le monde entier par une fraternité intense; la fraternité du service et de l’action.
En plaçant le scoutisme comme élément éducatif, Loiseau signale n’y a t il que l’école et la famille pour donner l’éducation à la jeunesse.
Des réalisations concrètes
La force des théosophes est de concevoir des réalisations éducatives concrètes. L’objectif principal de la Theosophical educational trust est de fonder des établissements scolaires théosophiques qui seront les vitrines du mouvement et doivent préparer l’enseignement de “l’instructeur”.
L’insertion dans les mouvements “novateurs”
Les théosophes montrent leur intérêt pour toute une série de réalisations, qui peuvent être éloignées de leurs “cercles”. Ainsi en 1919, le Message théosophique et social marque-il son soutien aux centres ouvriers de loisirs initiés par le syndicat français CGT. La revue relate le programme des centres des loisirs et tout l’intérêt des programmes de distractions et des études (musique, chœurs, réunions générales sur l’esperanto, le dessin, l’éducation physique, la géométrie industrielle, l’histoire de religions, la philosophie) qui permettent une “élévation” de l’individu32. Mais pour les théosophes c’est surtout des lieux où les idées théosophiques et les méthodes pédagogiques nouvelles peuvent être proposées:
Il est très facile de mêler aux causeries d’hygiène le naturisme, à celle de puériculture la méthode Montessori, aux séances d’éducation physique la gymnastique rythmique, à l’histoire des religions, la notion de fraternité de religions. (…) Si le fanatisme et l’intolérance ne viennent pas arrêter la diffusion des belles vérités, il y a là un vaste champ à ensemencer. Hélas ! Les semeurs sont peu nombreux ! Vite à l’ouvrage, ceci est par excellence l’œuvre des pionniers33.
Ensuite, le mouvement se fait aussi l’écho des réalisations où les théosophes sont directement présents. C’est le cas de la Ligue d’éducation morale de la jeunesse organisée par Mme Waddington et Gaston Revel qui s’adresse aux parents mais où l’on retrouve Madame Pujol-Segalas, théosophe:
Tandis que l'État se préoccupe de donner au peuple, avec le bien-être nécessaire, une instruction forte et, dans une faible mesure, une culture des émotions supérieures (art, littérature), c'est à la famille qu'est laissé le soin d'assurer le développement normal des facultés morales. Or, la diminution progressive, dans notre vie moderne, de l'influence familiale, l'ignorance de la majorité des parents en matière d'éducation et, d'ailleurs, l'incertitude qui règne encore dans nos milieux universitaires sur la nature de l'enseignement de la morale, l'absence d'une psychologie certaine de ce côté de la vie enfantine, vouent à l'échec les meilleures intentions [ ... ] . En face de cette lacune de notre éducation nationale [ ... ] seul un grand mouvement d'opinion peut intervenir [ ... ] . La Ligue désire créer ce mouvement d'opinion et constituer cette méthode de culture morale34.
En 1920, Alice Jouenne35, théosophe et enseignante à l’école de plein air du boulevard Bessières expose quelques unes de ses idées en éducation à l’assemblée générale de la Fraternité théosophique pour l’éducation. Elle décrit concrètement ses expériences vécues et les réalisations auxquelles elle est parvenue dans son école de plein air.
Pour elle, l’éducation c’est “travailler à la transformation de l’humanité”. Surtout elle souligne la nécessité de préciser le but de l’éducation qui varie selon “les conceptions que les hommes se font de la vie et de la destinée humaine”.
Mais les théosophes ne restent pas à une analyse seulement historique des différents modes d’éducation. Alice Jouenne perçoit le dilemme d’une éducation “utilitaire” qui produit des travailleurs et une éducation d’une minorité qui savent “que leur vie est assurée” et peuvent acquérir une culture artistique, philosophique, s’adonner à la philanthropie, c’est la mode, et comme ils n’ont pas besoin de gagner leur vie, ils ont des jouissances artistiques, même spirituelles et s'imaginent qu’ils travaillent pour le bien de l’humanité, alors qu’en réalité ils ne font que satisfaire leur égoïsme.
Alice Jouenne souligne le clivage entre ces deux conceptions “utilitaire “et “élitiste”: “il y a un fossé entre cette catégorie et ceux qui ne vivent que par leur travail et comme il n’y a pas de lien qui les unit, il y a une hostilité sourde et même une lutte entre ces deux classes”.
Entre ces deux conceptions, Alice Jouenne dessine un chemin que doivent suivre les théosophes: il y a une petite minorité qui peut se trouver dans les deux classes. Elle veut vivre pour s’élever, elle sent qu’il y a un progrès à accomplir, qu’il faut absolument aller en avant, éveiller sa conscience, donner davantage aux autres et que la grande vérité c’est de se dévouer. Cette minorité se trouve dans toutes les classes et considère l’éducation comme un but de progrès en soi en se donnant aux autres.
Le plus intéressant est que son argumentation s’appuie sur des considérations à la fois théosophiques mais aussi maçonniques par rapport à cette lutte pour la laïcité, thème qui souvent n’est pas mis en exergue directement par les théosophes:
Actuellement dans l’éducation, il y a une grande hésitation qui date depuis 50 ans. On a enlevé l’idée religieuse de l’instruction, et à mon sens, on a bien fait; mais elle n’a pas été remplacée par un moteur spirituel, de sorte que l’éducation repose on ne sait pas exactement sur quoi. Pour les uns elle se base sur l’idée du devoir envers les parents, sur l’honneur, la dignité humaine, mais ce sont des idées qui ne conviennent pas à tout le monde. Beaucoup d’êtres font le métier d’éducateurs sans savoir sur quelle base ils marchent. Ils donnent de leçons de sciences, de morale, d’histoire à l’aide de manuels mais il n’y a dans leur enseignement aucune base philosophique ou spirituelle. En vérité, ils ne développent pas l’élément spirituel chez les enfants.
Alice Jouenne estime ne pas avoir de solution et de réponse toute faite mais en tout cas qu’il faut “spiritualiser l’enseignement” en proposant un développement “dans son corps et dans son âme”.
L’éducation intellectuelle comporte pour elle trois axes qui ne sont pas fondés sur des savoirs ou des disciplines scolaires.
Premièrement, la force de la volonté qui pour elle peut se définir comme une vertu qui “dénote le plus de force de caractère et la condition indispensable pour arriver au progrès et au développement de soi”.
Deuxièmement, “l’idée de justice” car c’est “voir les choses comme elles sont, les peser avec le poids juste (…). Etre juste, c’est être indulgent, c’est comprendre sa responsabilité, c’est être bon”.
Troisièmement, la prudence car “être prudent, c’est connaitre l’ennemi, c’est savoir se mesurer à lui”.
En détaillant sa conception de l’autonomie et toutes ses idées, on perçoit le cheminement des théosophes qui développent une éducation nouvelle à la fois rationnelle et spirituelle, base pour eux de l’élévation et du progrès de l’individu. Toutes ces idées qui peuvent être contestables nous montrent surtout l’importance de leurs réflexions et le fossé avec l’enseignement traditionnel.
Des écoles théosophiques: Letchworth, Damon, Monada
Pour les théosophes, la création d’établissements éducatifs soutenus par la Theosophical education trust font partie de leur volonté d’une théosophie active. Les “valeurs” de ces écoles sont d’inculquer “l’esprit de l'âge nouveau” avec une coéducation entre garçons et filles, le développement de l’enfant dans sa singularité, la coopération et surtout une éducation complète et intégrale: intellectuelle, physique, créatrice.
L’influence des théosophes anglais leur permet de créer une série d’écoles “pépinières” d’enseignants théosophes36. La Société Théosophique anglaise crée une première école en 1915 en Angleterre à Letchworth, Saint Christopher school37 dirigée par Béatrice Ensor38.
Les réalisations théosophiques si elles sont présentes en Angleterre, se retrouvent aussi en Espagne et en Belgique. Le fait même de ces réalisations et fondations prouvent un véritable essor voulu, pensé et organisé par la socité théosophique. En Espagne, l’école Damon est fondée par la Fraternité théosophique pour l’éducation de Barcelone est reconnue par Ferrière et affiliée au Bureau international des Ecoles nouvelles (BIEN). Cette fondation scolaire est du à l’action des théosophes Manuel Trevino Vila (1865-1939) et Maria Sola de Sellares (1899-1998)39. Cette dernière sera présente au congrès de Calais et directrice dans les années 20 de cette école théosophique barcelonaise.
Mais nous voudrions ici après avoir établi les caractéristiques des établissements théosophiques anglais, à l’ “expérience” pédagogique qui a été mise en œuvre par les théosophes belges à Uccle, par le docteur Ernest Nyssens (1868-1956) de 1921 à 1938.
Letchworch “l’école idéale”
Une série d’articles du Message théosophie et social signés par M. Ternaux titrés “l’école idéale”, relatent les caractéristiques de l’école Arundale-Saint-Christopher à Letchworth40, “vitrine” des conceptions théosophiques en éducation et modèle pour toutes les autres écoles.
L’école est fondée en 1915 dans la cité-jardin de Letchworth, sorte de laboratoire des initiatives théosophiques dans le domaine urbanistique mais aussi éducatif. Située à une cinquantaine de kilomètres de Londres, Letchworth devait permettre d’expérimenter la totalité des idéaux théosophiques.
L’établissement scolaire est avant tout une maison familiale, dans l’esprit des pionniers de l’éducation nouvelle c’est-à-dire un lieu plus proche d’une vie familiale que scolaire:
L’école idéale, c’est ma maison ordinaire, à un étage, avec des pièces de dimension modérée, un ameublement d’une simplicité absolue, mais une maison intéressante, avec beaucoup de copies de chefs-d’œuvre, des statues, des gravures.
Cette “maison du bonheur” comme l’écrit Ternaux est l’anti-caserne de ce qu’il juge être l’apanage de l’enseignement traditionnel. Les espaces clés de cet établissement, outre les cottages, sont les jardins de plusieurs hectares qui entourent les bâtiments. Des parcs, un potager, un jardin botanique et des “jardinets des enfants”. Tout cet ensemble permet aussi des micro-bâtiments composés d’une imprimerie, d’une salle de gymnastique, un atelier de menuiserie où les enfants travaillent, expérimentent et collaborent. A partir de cette structure, les théosophes entendent mettre en œuvre en pratique leurs réflexions. Le premier idéal est la discipline personnelle “l’enfant n’étant pas forcé d’obéir, ignore la révolte, il connait son devoir, il l’exécute et tous concourent à le faire observer; celui qui se montrerait récalcitrant, se trouve entraîné par l’exemple de ses camarades”41.
Ensuite le self-government est mis en place par l’assemblée des enfants où “chacun a le droit d’y prendre la parole”. Cette assemblée qu’ils nomment le Moot “règle les petits litiges de l’école, discute les incidents et formule à l’occasion une nouvelle règle de la loi de l’école que chacun accepte, observe et fait observer par les autres, puisqu’elle est votée par tous”.
A partir de cette structure, l’école prône le fait de ne pas punir.
Ensuite, l’école entend proposer une autre vision des relations élève-enseignant. Les enseignants ne doivent pas se considérer “comme des supérieurs, mais comme les serviteurs des jeunes âmes qui leur sont confiées”. Tous les enseignants sont eux-mêmes théosophes et font partie de la Fraternité de l’éducation. Au delà de leur enseignement ils se réunissent en assemblée hebdomadaire: “pendant ces séances, ils se préoccupent de la manière dont il y a lieu d’agir dans chaque cas spécial. Ils “étudient les caractéristiques de chaque enfant, sa santé, ses tendances et ils le suivent dans tous ses actes sans qu’il s’en doute”.
Mais ce qui fait aussi une des caractéristiques de cette école théosophique est son enseignement “moral”. Si les liens étroits entre théosophie et franc-maçonnerie sont reconnus, en particulier en Angleterre, cette question de la morale à enseigner au sein d’écoles est un sujet plus complexe. En effet, les théosophes revendiquent cette “recherche de la vérité” par la connaissance des religions occidentales et orientales.
Ternaux précise directement à ce sujet: “Toutes les croyances religieuses sont admises et respectées à l’école Arundale, bien qu’aucune n’y soit spécialement enseignée. La lecture des écritures saintes y est faite et expliquée chaque semaine. Chaque matin, une méditation facultative est suivie par quelques élèves. Une fois par semaine, il y a une causerie du matin, sur un sujet moral plutôt que religieux et une assemblée à laquelle assiste toute l’école”.
Concernant le risque de prosélytisme, Ternaux précise également les choses:
Les élèves peuvent se rendre aux exercices de leur culte. Les parents sont assurés qu’aucune tentative n’est faite pour inciter les enfants à entrer dans la Société théosophique. Mais elle se réserve, à l’occasion, le droit d’exprimer ses principes avec la même liberté qu’elle accorde aux autres.
La Monada, l’exemple bruxellois
En 1919, la Fraternité d’éducation belge annonce le projet d’ouvrir une école à Bruxelles. La communauté éducative théosophique Monada à Uccle42 fut active de 1921 à 1938. L’établissement est dirigé par Ernest Nyssens; un des pionniers du mouvement théosophique en Belgique dès la fin du XIX e siècle. Il créa en 1897 avec Elisabeth Carter, la première branche théosophique de Bruxelles. Il fut un des premiers médecins à s’intéresser l’homéopathie et à la thérapie du docteur Sébastien Kneipp (1821-1897) qui prône l’hydrothérapie, la phytothérapie et une hygiène diététique dès le plus jeune âge43.
Militant végétarien, Nyssens fut également nommé dans les années trente évêque de l’église catholique libérale en 1930, une fonction qui illustre sa vision d’une théosophie plus religieuse que philosophique44.
Nyssens avait déjà créé à la fin du XIXe siècle l’Institut naturiste et théosophique au domaine Ter Nood d’Overijse; mais à la Monada il tente de créer à la fois une communauté théosophique et aussi un établissement éducatif et un centre d’art. Les projets de la Monada sont très ambitieux avec la prévision d’un centre culturel, sorte de “cathédrale” urbanistique qui ne verra pas le jour mais qui illustre une volonté des théosophes de structurer leurs activités.
Nyssens est à lui seul une nébuleuse complexe qui regroupe théosophie, franc- maçonnerie, végétarisme. Mais la Monada apparait plus comme une communauté de type milieu libre libertaire autour d’un gourou qu’une école.
La création de la Monada, qui par son nom même désigne “l’unité et le pivot spirituel”, est une fondation directe de la Société de théosophie belge. On retrouve dans l’équipe éducative la plupart des théosophes belges influents ou qui vont le devenir45.
Cet établissement est reconnu par les cercles de l’éducation nouvelle. D’une part Nyssens appartient à la société belge de pédotechnie avec Decroly, son voisin, puisque l’école Decroly créée en 1907, déménage au milieu des années 1920 à Uccle. D’autre part, son établissement reçoit en 1924 la visite d’Adolphe Ferrière. Ce dernier note sa visite dans son agenda comme étant “la colonie de Monada fondée par madame Héris”46.
La communauté veut être une sorte de Monte Veritas47 bruxellois avec un activism éducatif, culturel et spirite. Nyssens pense avec la Monada proposer une autre façon de vivre (proche de la nature, végétarisme) mais aussi une autre façon de penser les rapports humains (une fraternité humaine)48.
Construire une éducation nouvelle pour une ère nouvelle
Toutes ces réflexions et ces pratiques tendent à créer une “ère nouvelle” propice à une éducation nouvelle.
Mais l’importance des théosophes et de leurs conceptions n’est pas seulement perceptible dans leurs conceptions mais bien dans leur force dans l’élaboration “institutionnelle” de l’éducation nouvelle et le projet de “construire une éducation nouvelle pour une ère nouvelle”.
Des congrès préparatoires
Les multiples congrès théosophiques du début du XXe siècle sont de deux ordres. D’une part les congrès des fraternités d’éducation et d’autre part les congrès plus généraux de théosophie européens et internationaux. Dans les faits, ils se complètent et ne peuvent être réellement étudiés séparément. Par facilité et pour bien faire comprendre l’élaboration de cette construction institutionnelle de l’éducation nouvelle par les théosophes, nous avons adopté une étude chronologique sommaire.
Si le premier congrès mondial de la théosophie a lieu en juillet 1921 et a été initialement prévu avant le premier conflit mondial et devait avoir lieu en 1915, c’est depuis 1900 que les théosophes tentent de structurer leurs réflexions sur le continent européen.
En 1900 à Paris, le “congrès théosophique international” prend acte de la nécessité de rencontres régulières entre les théosophes “occidentaux” et la “capitale” Adyar en Inde où les décisions sont prises par les dirigeants de la société théosophique. Les dirigeants théosophes comprennent la nécessité de rendez-vous réguliers pour faire connaitre et comprendre l’évolution de la Société. Les sections nationales qui se créent doivent aussi être coordonnées par ce moyen49 Congrès de rencontre des sections européennes de théosophie, congrès théosophiques internationaux se succèdent quasi annuellement illustrant l’activité de la société théosophique50.
La revue Echos du monde théosophique de juin 190451 annonce par exemple le congrès théosophique européen d’Amsterdam dont l’objectif est “de mettre en rapport réciproque les membres de la Société théosophique de tous les pays, à les porter à échanger entre eux, le plus possible, des communications verbales ou écrites sur les sujets qui Font plus particulièrement l’objet de leurs études spéciales, et de resserrer les liens de fraternité”52.
Le congrès de mai 1907 à Munich illustre l’influence forte et grandissante de Rudolf Steiner le secrétaire général de la société allemande de théosophie qui préside le congrès et préfigure ses vues vers la construction de son Goetheanum et de l’anthroposophie53. A ce congrès, Annie Besant propose une réflexion d’ensemble pour les théosophes sur la possible venue d’un “instructeur du monde” nécessitant une préparation pédagogique et éducative.
Le congrès de mai 1909 à Budapest permet à Annie Besant d’annoncer officiellement la venue d’une “nouvelle manifestation du Christ sur la terre” qui marque à la fois la scission avec Steiner et les anthroposophes mais aussi le choix de faire de l’éducation l’axe fondamental et prioritaire pour préparer l’enseignement de “l’instructeur”.
Le congrès de Stockholm de 1913 malgré ses 450 congressistes est marqué par la scission de Steiner et pour les théosophes le choix de préparer ardemment l’enseignement par la création de la Theosophical trust et des fraternités d’éducation. Ces points devaient être affirmés plus clairement au congrès de Paris en 1915, mais la guerre rend impossible ce congrès qui finalement a lieu à Paris en 1921 comme congrès non européen mais international de la théosophie.
Congrès de la Fraternité théosophique pour l’éducation le 10 juillet 1920
L’étape préparatoire au congrès international reste le congrès de la fraternité pour l’éducation qui a lieu le 10 juillet 1920 au siège de la Société théosophique française. Ce congrès illustre l’avancée des réflexions mais aussi des actions des théosophes sur l’éducation.
La déléguée belge, Jeanne Van den Houten développe une argumentation autour de la liberté à l’école: “nous voulons remplacer la contrainte par la liberté, l’obéissance passive par la discipline volontaire, l’esprit moutonnier par le self-governement”. Une notion qui devient un axe de la pensée théosophique concernant l’éducation. Et qui dessine aussi ce que doit être le futur citoyen d'une société démocratique:
Nous souhaitons cette liberté pour le plus grand bien de la communauté, afin que plus tard, lorsque l’enfant sera appelé à y prendre une place, il puisse se servir pour le bien de tous de la liberté toujours plus grande dont les citoyens jouissent sous un régime démocratique54.
Jeanne Van Den Houten a participé à l’expérience de Letchworth et a enseigné au King Arthur school de Glasgow. Ces réalisations théosophiques sont le pivot de ses réflexions:
Il en est ainsi de toutes les réformes nouvelles que nous préconisons. L’école dont je vous parlais compte des filles et des garçons. J’y ai eu l’occasion d’apprécier la coéducation bien entendue, car là où l’enseignement n’est pas uniquement livresque, où des activités physiques, des jeux, alternent avec les leçons plus abstraites, où une grande liberté est admise, la coéducation n’a que des avantages.
Elle souhaite aussi plus d’idéalisme et une morale qui s’inspire de la fraternité: Nous voudrions à l’école, non seulement initier les enfants aux lois de justice, mais leur apprendre à aimer et à servir leurs semblables. Nous voudrions leur apprendre à collaborer, à s’aider l’un l’autre.
Van den Houten prône une éducation intégrale: il est temps que le bourrage de crânes cesse et fasse place à une éducation qui permette l’épanouissement de l’être complet, physique, intellectuel et moral, et prépare l’enfant à sa vie civique et sociale.
Cette éducation intégrale s’intéresse aux “émotions” car “l’école doit être un milieu où la beauté règne”. Tous ces éléments: self-government, coopération, fraternité, développement de l’épanouissement individuel et collectif de l’enfant selon ses aptitudes, coéducation, appartiennent selon le terme même de Jeanne Van den Houten au “programme” des théosophes. Ces principes forment un climat favorable aux apprentissages dans une “atmosphère de joie, de vie, d’activité heureuse”.
La définition de l’éducation nouvelle est présentée dans son discours par cette opposition à l’école “classique”:
L’école apparaît sous un aspect nouveau, ce n’est plus l’école caserne, l’école froide comme une citerne, l’école où le meuble unique, le pupitre ne permet à l’enfant qu’à croiser les bras et à écouter. L’école devient une communauté où chaque enfant a sa part de travail, sa part de responsabilité, où filles et garçons s’initient ensemble à leurs devoirs, où chacun collabore au bien-être de tous par ses aptitudes spéciales, ses talents particuliers, où l’on fait en commun l’apprentissage de la vie.
Le congrès théosophique mondial: la journée du 25 juillet 1921
Le Congrès de Paris du 23 au 27 juillet 1921 est suivi du 27 au 29 juillet par le congrès de l’Ordre de l’étoile d’Orient. Le congrès en lui-même fait état de 35 nationalités présentes55. Au cours du congrès, la journée du 25 juillet 1921 est consacrée à l’éducation.
Le compte rendu du congrès précise l’importance de l’éducation pour la société théosophique en précisant que si l’éducation possède une journée spécifique, “les congressistes eux, seront tentés de se demander laquelle des journées du congrès ne fut pas consacrée, plus ou moins directement à l’examen de la question de l’éducation qui visiblement s’est étendue, ramifiée et a dominé tout le congrès”.
Le compte-rendu du congrès précise encore mieux les choses en estimant que les congressistes “plus ils réfléchiront à ce qu’ils ont entendu, plus vivement ils sentiront, plus nettement ils percevront que le problème de l’éducation, le mot étant pris au sens large, est le problème capital de la vie individuelle et de la vie sociale”.
Les conférences d’Annie Besant au congrès sur l’idéal théosophique a d’ailleurs fait de l’éducation la clé de voute du mouvement:
Mme Besant nous a lumineusement prouvé l’impossibilité de réaliser le premier objet de la société théosophique, l’organisation de la fraternité, sans une énergique éducation de soi-même en tant qu’individu et aussi une modification totale du système actuel d’éducation nationale.
Les mots de Besant soulignent encore plus nettement cette volonté de transformer et de révolutionner l’éducation:
Si dans la société, chaque enfant ne peut développer, le plus parfaitement possible toutes les facultés natives cette société n’est plus fraternelle.
L’éducation, la culture doivent être pour tous; il n’y a pas de fraternité si les enfants jusqu’à 14 ans ne reçoivent pas tous une éducation libérale.
Le programme du lundi 25 juillet annonce dans la matinée un débat intitulé “le problème de l’éducation dans l’ère nouvelle”. Ce débat présidé par Harold Baillie-Weaver est envisagé sous trois aspects: que propose la théosophie pour résoudre le problème de l’éducation? De quelle manière la théosophie peut-elle contribuer à établir des relations amicales entre les peuples? Quelles sont les meilleures méthodes à employer pour faire connaitre les idées théosophiques sur l’éducation?
A partir de ces questions, une série d’intervenants, qui seront pour la plupart d’entre eux au congrès Calais en juillet 1921 précisent les conceptions théosophiques.
Les trois questions furent détaillées par Beatrice Ensor et Joséphine Ranson (1879- 1960). Béatrice Ensor place immédiatement la question de l’éducation dans l’ère nouvelle au sein de la doctrine théosophique. Cette éducation doit réaliser le “plein épanouissent de la “cinquième race” et préparer l’avènement de la sixième sous-race”. Elle souligne que les stades du développement humain sont étagés en “races”, il ne s’agit d’une différenciation des individus mais une notion d’évolution en cycles qui se veut biologique. Béatrice Ensor n’envisage l’éducation que dans une optique théosophique même si elle est prête à “ouvrir” les échanges avec les non-théosophes, c’est bien une vision spirituelle structurée qu’elle expose.
D’une part, le “plein épanouissement de la cinquième race” est l’enjeu des deux structures récemment créées, la Theosophical educational trust dont le but est d’établir des écoles et la Fraternité de l’éducation dont l’objectif est de regrouper des enseignants pour faire adopter l’éducation aux besoins de l’ère nouvelle.
D’autre part, la préparation de la “sixième race” nécessite des méthodes pédagogiques appropriées car pour Béatrice Ensor et Joséphine Ransom “il faut fournir une atmosphère spirituelle et une liberté de plus en plus grande qui permette à leur individualité de se manifester”. C’est dans cette optique qu’Ensor propose l’usage du self- government et la coopération. Elle précise l’intérêt pour les méthodes de la pédagogie Montessori qui apparaît comme la pédagogie modèle pour les théosophes.
Pour Joséphine Ransom le moment est propice à cette révolution pédagogique car elle correspond à un contexte de retour à la paix après la grande guerre qui demande plus de démocratie pour les individus et les sociétés.
Francesca Arundale (1847-1924) met l’accent sur la nécessité d’étudier à la fois l’enfant et son milieu. Pour elle, cette liberté nécessaire pour apprendre n’est pas un laisser- faire mais bien “donner plus de force aux espoirs de l’avenir qu’aux souvenirs du passé”. On perçoit bien dans les propos d’Arundale le fait que si le chemin est tracé pour les théosophes, beaucoup de travail reste à faire pour élaborer de nouvelles méthodes au plus près de leurs conceptions; il faut donc être humbles, allez voir ce que les autres font et dans les écoles théosophiques “adapter les nouvelles méthodes aux indications ainsi recueillies”.
Le second axe des débats autour de l’interrogation “De quelle manière la théosophie peut-elle contribuer à établir des relations amicales entre les peuples?” est abordé par un exposé de Leslie Haden Guest (1877-1960), député travailliste et membre de la Société théosophique anglaise56. Il souligne de façon plus technique la nécessité dans les nouvelles méthodes pédagogiques d’intégrer l’histoire pour comprendre les relations entre les hommes et éviter les conflits futurs. Il propose d’étendre les échanges d’écoliers hors des frontières nationales.
Jean Loiseau, directeur du club des éclaireurs, souligne à partir des affirmations de Haden Guest le grand intérêt des boys scouts qui sont une “pépinière de la fraternité future”.
Le troisième axe des débats sur l’éducation autour de la question “quelles sont les meilleures méthodes à employer pour faire connaître les idées théosophiques sur l’éducation?” est introduite par un exposé de deux français M. Taillard, qui enseigne en Ecole normale et Juliette Decroix enseignante du secondaire. Leurs exposés tendent à montrer l’intérêt des jeunes enseignants pour les méthodes nouvelles et l’intérêt de les orienter vers les principes théosophiques.
Decroix semble émettre des doutes sur les possibilités d’intéresser par des conférences et propose un “entrisme” au sein des structures existantes. Ainsi, elle estime “qu’il est moins important de faire des conférences ou de créer des écoles qui n’offriront faute de ressources qu’un champ d’action trop restreint, que d’agir dans le monde “profane” selon l’esprit théosophique. Il faut se mêler aux groupements où l’on travaille à la réforme de l’école et aux maîtres, dans le sens de l’évolution telle que la comprennent les théosophes. C’est là une méthode un peu indirecte en apparence, mais c’est actuellement la seule vraiment efficace”. Dans cette logique, Decroix dit se réfèrer à Annie Besant et Krisnamurti mais on perçoit bien deux conceptions. La conception des théosophes anglo- saxons qui veulent créer les conditions d’une éducation théosophique avec comme base des écoles où ils expérimentent leurs idées puis dans un second temps des “ouvertures” vers les non-théosophes leur permettant de préciser encore et d’améliorer leurs idées pédagogiques et de l’autre les théosophes français, intégrés dans le système éducatif “classique” et qui connaissent les difficultés d’ouvrir dans le paysage scolaire français une école et qui proposent des collaborations et de “l’entrisme”. Les théosophes belges et en particulier Jeanne Van Den Houden, Elisabeth Carter et Ernest Nyssens sont dans l’optique anglo-saxonne, qu’ils connaissent bien. Leurs volontés est de créer des écoles théosophiques et de promouvoir ses idées et ses pratiques à l’extérieur.
“Pour eux, l’activité de théosophes ne saurait se limiter au cercle restreint de la Société, mais doit rayonner et aller vivifier, en leur apportant la note spirituelle, tous les mouvements orientés vers la fraternité, la théosophie c‘est tout ce qui peut aider le monde”.
La naissance de la Ligue internationale de l’éducation nouvelle, Calais 1921, un congrès théosophique?
L’analyse du congrès de Calais57 permet de comprendre que lors des différents congrès depuis 1904, les théosophes ont préparé avec minutie leurs idées et pratiques pédagogiques. Ils sont les organisateurs de Calais et au delà des questions multiples de précision sur le choix de Calais, il est clair que les théosophes anglais, par l’intermédiaire de Béatrice Ensor veulent “ouvrir” leurs idées au delà de la seule sphère théosophe. C’est le gage de la réussite de leur travail et c’est aussi leur propre vision de la fraternité avec la devise de la fraternité d’éducation “educare servire, éduquer c’est servir, servir l’enfant, la patrie, humanité; c’est aussi initier au service”.
C’est au cours de la journée du 25 juillet 1921 qu’Ensor précise l’annonce du congrès de Calais: Nous nous sommes risqués à organiser un congrès international qui sera tenu à Calais et qui, n’étant pas non plus dénommé théosophique a reçu l’approbation d’un large cercle d’adhérents.
Quelques mois auparavant, en mai 1921, la revue le Message théosophique et social précisait les liens avec les organisateurs et les objectifs du congrès:
The new education fellowship, association pour l’éducation nouvelle, avec laquelle nous sommes en complète sympathie, nous communique le programme préliminaire du congrès international, qui sera tenu, sous son intelligente initiative, à Calais du 30 juillet au 12 août.
La revue souligne la nécessité de diffuser cette information hors des cercles théosophes: nous espérons que beaucoup de membres de l’enseignement français pourront participer à ce congrès, où seront développés tous les idéaux que nous aimons, et nous prions nos lecteurs de le faire connaitre à tous ceux qu’il pourrait intéresser”. Le but du congrès d’après la revue est “de répandre les idées et les méthodes d’éducation le plus modernes, aux points de vue théorique et pratique, et de rapprocher, en une étroite collaboration, les différentes nations représentées.
La société théosophique pratique dans le domaine de l’éducation, comme elle le fait pour le droit des animaux58, une stratégie qui vise à être le fer de lance d’un prosélytisme théosophique tout en développant une ouverture vers les non-théosophes afin d’ouvrir ses idées au plus grand nombre. Pour Curuppumullage Jinarajadasa (1875-1953) la New Education Fellowship aurait été fondée pour ceux qui croyaient aux principes de l’Education nouvelle mais qui ne pouvaient accepter les fondements théosophiques sur lesquels ceux-ci reposent59.
Autrement dit les théosophes ont une longueur d’avance dans les expérimentations pédagogiques des écoles avec Lechtworth, mais aussi du point de vue organisationnel avec la New education fellowship anglaise, les Fraternités d’éducation. Un maillage qui toutefois reste dans la sphère théosophe et qu’un élargissement est nécessaire pour accroître son rôle et son influence. Malgré l’affirmation de Beatrice Ensor de l’approbation d’ “un large cercle d’adhérents”, les premiers adhérents sont bien en très grande partie les théosophes.
Le congrès marque donc la structuration des institutions théosophiques autour de Béatrice Ensor mais aussi Edmond Holmes (1850-1936), Homer Lane (1875-1925) et s’inscrit dans ce bouillonnement de la théosophie anglaise60. La conférence de Stratford- upon-Avon en 1915 marque à la fois l’essor du groupement théosophique des “new idéals in education” et la création parallèle de la theosophical fraternity in education qui aboutit en juillet 1920 à la fondation de la revue New era, revue de la new education fellowship61. Cette histoire “théosophique n’est d’ailleurs aucunement cachée par Ensor qui cite la conférence de Stratford dans son premier éditorial de New era après le congrès de Calais et qui est traduit pour la nouvelle revue francophone de la ligue pour l’ère nouvelle L’objectif de Béatrice Ensor au sein de la revue, de la fraternité d’éducation comme de la ligue internationale de l’éducation nouvelle est d’une part de promouvoir les idées des réformateurs de l’éducation et d’autre part de “communiquer les idées et les expériences des écoles nouvelles” et de «permettre l’établissement d’une communauté d’enseignants qui se rencontreraient lors de congrès annuels”62.
L’objectif est donc bien de mettre en contact les enseignants “pionniers” autour des idées théosophiques63.
Le congrès de Calais a officiellement fondé la ligue internationale pour l’Education nouvelle (LIEN) le 6 août 1921, par un regroupement de “tous les pionniers de l’éducation, Pédagogues, instituteurs, éducateurs, directeurs d’écoles, psychologues, ainsi que tous ceux qui, parents, philosophes, médecins, s’intéressent à l’enfance et à l’amélioration de sa condition”64. Ce congrès aurait réuni selon les organisateurs plus de 200 personnes appartenant à 12 pays différents parmi lesquels figurent l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie, la France, la Suisse, la Belgique, l’Espagne, la Bulgarie.
Mais surtout Calais permet aux théosophes un rapprochement avec le Bureau international des Ecoles nouvelles (BIEN) crée en 1899 par Ferrière “dans le but d’établir des rapports d’entraide scientifique entre les différentes écoles nouvelles, de centraliser les documents qui les concernent et de mettre en valeur les expériences”.
Ainsi si le congrès de Calais, en juillet 1921, qui crée la Ligue internationale de l’éducation nouvelle, n’est pas un congrès théosophique, les théosophes y sont en nombre et furent les plus à même de définir autour de leurs idées une charte et un programme d’action internationale. Le congrès de Calais avait comme thème “la créativité de l’enfant”, une notion éminemment portée par les théosophes qui soulignent l’importance de la “suprématie de l’esprit”, de “l’énergie spirituelle”, de la “force vitale” en chaque être humain, expression d’une force supérieure divine.
Les intervenants de Calais étaient pour la plupart des théosophes reconnus comme tels qu’il s’agisse de Ensor, Haden Guest, Claremont, Brereton, Wilson, Baillie-Weaver, Decroix, Loiseau et pour les autres intervenants des “alliés” comme Ferrière, Nussbaum ou Decroly.
Si Adolphe Ferrière, n’est pas théosophe, au sens de membre d'une société théosophique, il est ce que l’on peut appeler un “compagnon de route”; Les points de convergence sont nombreux entre lui et les théosophes65 et il ne peut qu’accepter les thématiques de la spiritualité, le vitalisme, le spiritualisme, les lois universelles, la fraternité, l’énergie créatrice. Un ensemble de points qui définit cette éducation nouvelle au niveau international et un rayonnement des idées théosophiques.
Ce dernier ne peut être dupe et méconnaitre l’appartenance de la plupart de participants à la théosophie. Les théosophes ne se cachent pas, même s’ils prônent une discrétion et pensent clairement que pour propager leurs idées il faut à la fois créer de associations théosophiques et d’autres ouvertes sans être théosophiques c’est toute la différence entre la ligue internationale de l’éducation nouvelle et la théosophique educational trust. L’illustration de cette discrétion est l’absence de George Arundale qui préside les fraternités d’éducation et bien sur d’Annie Besant, présidente de la société théosophique66.
En ce qui concerne Ovide Decroly et Amélie Hamaide qui sont souvent perçus comme extérieurs à la mouvance théosophique nous tendons à penser de plus en plus que leurs relations sont très étroites. Amélie Hamaide intègre l’obédience mixte maçonnique du Droit Humain belge au moment même où les théosophes sont omniprésents avec en particulier celle qui reste avec Decroly sa référence intellectuelle la théosophe et pédagogue Elisabeth Carter. Cette dernière possède avec Decroly des liens encore plus étroits car ils sont membres de la dans la même loge de l’obédience du Droit Humain belge à partir de 1912 et même en 1927 Decroly apparait membre d’une seconde loge connue pour être une loge “théosophique” dirigé par Elisabeth Carter67. Ensuite le docteur Nyssens, autre grande figure de la théosophie belge avec Elisabeth Carter, directeur de l’école théosophique Monada d’Uccle est membre de la société de pédotechnie avec Ovide Decroly. Tous ces éléments montrent bien la porosité entre théosophes et “sphère decrolyenne”.
Enfin, un des indices de cette présence théosophique forte et de l’impossibilité des participants de méconnaitre où ils sont est pour nous la présence d’Alexander S. Neill (1883-1973). Présent à Calais, il connait très bien les idées d’Ensor, il s’y oppose depuis longtemps en refusant la pédagogie Montessori comme mystique et s’inquiétant d’une dérive du “montessorianisme”68 Cofondateur de la Ligue internationale pour l’Education nouvelle à Calais en 1921, il va rapidement refuser d’entériner les choix, très théosophiques de la ligue et surtout de son organe de presse et en 1924 il quitte l’équipe dirigeante de la ligue pour s’occuper de sa nouvelle école de Summerhill. Mais d’après Brehony la présence des théosophes expliquerait l’absence de certaines personnalités françaises comme Georges Bertier ou Roger Cousinet qui préfèrent en rester à l’écart.
Une influence réelle ou diffuse?
Le thème du congrès de Calais, “The Creative Self-expression of the Child” est particulièrement en adéquation avec les thèses théosophistes selon lesquelles l’éducation doit permettre de faire émerger la “force”, le “potentiel” qui existe au fond de chaque être humain. Ensuite, la forme est à la fois anglo-saxonne et théosophique. Ferrière écrit qu’il s’agit plus d’un «summer camp anglo-saxon” qu’un congrès international69.
Les thématiques des conférences permettent à chacun de pouvoir donner sa vision de cette expression créatrice qui pour les théosophes est divine70. Les conférences sont données alternativement en anglais et en français et à la fin de chaque conférence, un résumé dans l’autre langue est fait. Au delà des conférences les congrès multiplient les ateliers, “classes” et “discussions informelles” autour de repas. Le congrès a prévu aussi des expositions d’objets, des présentations de travaux d’élèves, des auditions musicales, des visites d’écoles, des sorties à la mer.
L’importance de la musique est affirmée dans la préparation même du congrès et on ne peut omettre le rôle du théosophe Emile-Jaques Dalcroze (1865-1950), présent pendant tout le congrès, dans cette vision qui fait que non seulement des auditions musicales ont lieu chaque soir mais aussi avant chaque conférence.
En fait, Calais rassemble deux groupes distincts; d’une part, des praticiens, éducateurs anglais d’écoles théosophiques et d’autres part pour les “continentaux” des membres de l’administration scolaire, directeurs d’écoles ou inspecteurs. Delcroix peut apparaitre comme “l'interface” entre ces deux milieux et c’est d’ailleurs ce qu’au congrès de la théosophie de 1921 elle déclarait en demandant à la fois la création d’écoles théosophiques mais des liens avec les membres de l’administration.
Plus concrètement les réflexions se centrent sur les notions et les préoccupations des théosophes: créativité de l’enfant, suprématie de l’esprit, énergie spirituelle, force vitale. Ensuite les pratiques mises en place dans leurs écoles par les théosophes sont entérinées: self-government, self discipline, coopération, coéducation, importance du milieu.
Calais en créant la ligue internationale de l’éducation nouvelle entérine donc les choix des théosophes d’ouvrir leurs conceptions au delà de la sphère théosophique dans un objectif idéologique de préparation de l’humanité à une ère nouvelle.
Conclusion
L’analyse fine des congrès de la Ligue internationale de l’éducation nouvelle ou de la revue Pour l’ère nouvelle a bien montré le rayonnement théosophique et spiritualiste indéniable au sein de la Ligue internationale de l’Education nouvelle mais aussi de l’essor d’une ligne plus “politique” et où la voie psychologique du développement de l’enfant est privilégiée.
Le rôle des théosophes dans le domaine de l’éducation nouvelle est donc pluriel. En effet, leur influence au-delà de la présence ésotérique et spirituelle se manifeste dans le vocabulaire, les thèmes, les principes directeurs et les pratiques de cette nébuleuse éducative71. Cette influence multiforme est d’autant plus forte qu’elle s’appuie sur des réalisations éducatives concrètes.
La matrice, les thèmes et les acteurs du congrès de Calais sont donc bien dans la sphère théosophique. Néanmoins, les théosophes, soutien financier moral, intellectuel, humain vont petit à petit perdre de leur rayonnement au sein de la mouvance de l’éducation nouvelle au moment où les courants plus “politiques” vont intégrer et infléchir l’éducation nouvelle mais aussi où la psychologie de l’enfant prend pied dans le domaine scientifique. A juste titre, l’évocation du congrès de la ligue internationale de l’éducation nouvelle en 1932 à Nice illustre la fin d’une influence prégnante des théosophes.
Enfin, il nous semble que cette “phase” éducative de la théosophie est liée à une facette spirituelle et doctrinale. Car si dès 1904, les congrès européens théosophiques s’intéressent bien à l’éducation, et de ce point de vue l’influence de Rudolf Steiner est pour cette période fondamental. Néanmoins, c’est à partir de la présidence d’Annie Besant de la société théosophique que l’éducation devient non seulement l’axe de la théosophie mais sa raison d’être. En prônant à partir de 1909, la venue d’un instructeur du monde, Besant insuffle à tous les échelons de la société théosophique et de ses alliés la nécessité absolue de réfléchir à une nouvelle éducation pour une ère nouvelle. Cette phase qui se termine en 1929 par la défection de Krisnamurti, pressenti pour être cet instructeur puis la mort d’Annie Besant en 1933 clôture ce cycle de bouillonnement intellectuel et pédagogique de la société théosophique dans le domaine éducatif.
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25
La fraternité d’éducation, section belge (Bruxelles, 1919).
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27
Georges Moréteau, “Actualités sociales”, Le Théosophe, (1er mai 1914): 338. Par ailleurs, l’indianisme, la philosophie et la spiritualité hindoue sont des points d’ancrage pour les théosophes. On retrouve ces éléments lors de la création en Inde de la Theosophical Educational Trust en 1913 ou dans le scoutisme.
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Jean Loiseau et Henri Chevrier, “Une œuvre technique d’éducation. Le Club des jeunes Éclaireurs”, Le message théosophique et social (7 avril 1920): 197.
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Le message théosophique et social, 21 octobre 1919, 14.
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Béatrice Ensor dirige à la fois la fraternité théosophique en éducation anglaise et l’école St Christopher de Letchworth. C’est elle qui prend la direction de la revue Pour l’Ère Nouvelle de la Ligue internationale de l’éducation nouvelle, créée au congrès de Calais en 1921, dont elle fut l’une des fondatrices.
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Publication Dates
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Publication in this collection
May-Dec 2017
History
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Received
20 Feb 2017 -
Accepted
30 Mar 2017